tour du lac
ÎLES DU LÉMAN
Le plus grand lac d’Europe occidentale compte cinq îles. Certaines sont privées, d’autres ouvertes au public. Chacune d’elle a sa propre histoire. Nous allons vous les raconter.


L’île de Peilz
La plus royale
Localisation: au large de Villeneuve
Superficie: de 20 à 77 m2… selon les sources!
Propriété: publique (communes de Villeneuve et de Noville)
Accessibilité: libre
C’est au large de Villeneuve que se trouve la plus petite île du Léman, celle qui inspira quelques vers du poème Le Prisonnier de Chillon de Lord Byron (1816). Née de l’amoncellement des alluvions déversés sans répit par le Rhône depuis l’époque glaciaire, elle fut consolidée au XVIIIe siècle par des enrochements. Cette île est donc presque naturelle. Plusieurs légendes entourent ce lopin de terre: il aurait été érigé au milieu du XIXe siècle par une jeune veuve, en mémoire de son amour, noyé à cet endroit-là. On raconte aussi qu’il aurait été offert par nos autorités fédérales à la reine Victoria il y a cent cinquante ans, mais qu’elle l’aurait rendu alors qu’on lui réclamait des impôts fonciers. D’autres sources disent que la souveraine aurait transmis ce patrimoine à ses descendants et qu’il leur appartiendrait aujourd’hui encore. Mais le vrai maître du lieu, c’est cet imposant platane qui fête cette année ses 168 ans. Planté en 1851 avec deux autres platanes, il est le seul à avoir tenu le coup et marque aujourd’hui incontestablement l’identité du lieu.

L’île de Choisi
La plus secrète
Localisation: Bursinel
Superficie: 150m2
Propriété: privée
Située à 70 m du rivage, elle serait l’île la plus ancienne du Léman. Pourtant, on trouve peu, voire aucune information sur elle. Les archives sont beaucoup plus généreuses avec le domaine de Choisi qui lui fait face et dont la superficie représente tout de même 10% du territoire de la commune de Bursinel. Ce parc aurait d’ailleurs partiellement inspiré Hergé pour L’Affaire Tournesol et aurait également servi de cadre cinématographique. Depuis 2015, le domaine (sur lequel se trouve un château et une maison de maître) appartient à des propriétaires privés désireux de rester anonymes. Et pour la petite histoire, Sir Winston Churchill séjourna dans le domaine de Choisi en 1946. L’importance historique du château, ainsi que sa valeur architecturale, lui valent d’être classé à l’inventaire cantonal du patrimoine ainsi qu’à l’inventaire suisse des biens culturels d’importance nationale.

L’île Rousseau
La plus visitée
Localisation: Genève
Superficie: 1680m2
Propriétaire: publique (Ville de Genève)
Accessibilité: libre
En plein centre-ville, l’île Rousseau est un espace de verdure sur le Rhône. Aujourd’hui si romantique, l’endroit a pourtant eu un passé agité. A vocation militaire, ce bastion appartenant à l’enceinte défensive de la ville a été construit en 1585-1588. Placé au milieu du Rhône, il était un point stratégique pour surveiller l’accès à la Rade. Dès 1587, le site réaffecté est destiné à la construction et à la réparation des bateaux du gouvernement. On y trouve ensuite un battoir à poudre et un entrepôt de quarantaine pour les marchandises provenant de régions touchées par des maladies infectieuses. En 1832, l’île est reliée au pont des Bergues et transformée en promenade publique. Les admirateurs de Jean-Jacques Rousseau décident d’aménager l’île de manière à rappeler celle du petit lac d’Ermenonville, chère au philosophe genevois. On y plante des peupliers d’Italie et des saules pleureurs. En 1835, une statue est érigée en l’honneur de l’homme de lettres et l’île est rebaptisée de son nom. L’île Rousseau est restaurée et réaménagée à l’occasion du tricentenaire de la naissance de Rousseau, en 2012. Devenue jardin public, elle est la plus fréquentée des îles du Léman.

L’île de La Harpe
La plus grande
Localisation: Rolle, au large du port
Superficie: 2368m2
Propriété: publique (commune de Rolle)
Accessibilité: libre
Vers 1835, un groupe de commerçants locaux a l’idée d’ériger une île «brise-vagues». Le but est alors de protéger le port situé à l’ouest, là où les bois en provenance du Jura sont embarqués pour Genève. C’est en 1838 qu’elle est baptisée de son nom officiel, un hommage à Frédéric-César de La Harpe, mort la même année. Mais qui est cet illustre compatriote? Avocat et personnalité politique vaudoise, il est précepteur du tsar Alexandre Ier de Russie. Pendant onze ans, il lui enseigne ainsi les principes libéraux qui l’habitent. Cet inspirateur de la Révolution vaudoise joue un rôle décisif dans l’histoire de notre pays à deux occasions: une première fois en 1798 quand il réclame une intervention française pour «libérer» les Vaudois de la domination bernoise, et une seconde en 1813 lorsqu’il convainc les vainqueurs de Napoléon de laisser la Suisse maîtresse de son destin. L’île de La Harpe est la plus grande du Léman.

L’île de Salagnon
La plus photographiée
Localisation: Clarens-Montreux, devant le port du Basset
Superficie: 1120m2
Propriété: privée
En 1880, seul un amas de rochers émergeait de l’eau. C’est vers 1886 que l’ingénieur montreusien Joseph d’Allinges, chargé de la construction de la ligne de train du Tonkin (Saint-Gingolph – Evian), déverse des barques remplies de pierres sur cet écueil de rochers. L’île est née. Le cadastre l’enregistre en 1889 sous le nom de Salagnon, référence aux barques chargées de sel qui étaient autrefois soumises aux contrôles de la douane de Clarens. L’île est achetée en 1900 par le peintre français Théobald Chartran. Un escalier et un petit port y sont aménagés, puis une villa de style florentin. C’est aujourd’hui, dit-on, l’une des maisons les plus photographiées au monde! Théobald Chartran y séjourne tous les étés jusqu’à sa mort en 1907 et y organise des soirées fastueuses avec d’illustres personnalités (hommes politiques, mécènes, artistes renommés). L’île appartient tour à tour à un comte russe, à un commerçant zurichois, puis à une Américaine, Mary Shillito. En 1947, elle devient propriété d’un homme d’affaires zurichois, Ernst Pflüger; son fils Ernest Bernhard Pflüger en est toujours le détenteur. L’île et la villa sont classées comme biens culturels d’importance nationale. Et pour la petite histoire, l’actrice Simone Signoret y tourne en 1949 une séquence de Suzanne et son marin, film réalisé par le réalisateur suisse Leopold Lindtberg.